L’Inde remet le feu sur le marché du blé, après avoir décidé la mise en place d’un « ban » à l’exportation. Pourquoi cette décision a-t-elle poussé le prix du blé vers de nouveaux records ? Tour d’horizon du contexte, des enjeux et des perspectives.

 

L’Inde, historiquement neutre pour les échanges mondiaux de blé

Deuxième pays le plus peuplé de la planète, après la Chine, l’Inde est également le second producteur mondial de blé (toujours derrière la Chine), avec une récolte moyenne de 104 millions de tonnes (MT) sur les 5 dernières années.

Historiquement, le pays est globalement neutre pour les échanges mondiaux de blé. En effet, depuis l’an 2000, ses importations atteignent en moyenne 1 MT/an et ses exportations 2 MT/an.

Toutefois, cette tendance historique masque des années atypiques. En 2012/13, une forte hausse de sa production de blé avait incité l’Inde à exporter près de 7 MT. Quatre ans plus tard, une forte hausse de sa consommation avait imposé l’achat de 6 MT.

2017 / 2021 : 5 années excédentaires consécutives

L’Inde a connu entre 2017 et 2021 cinq (très) bonnes années de production (de 99 à 110 MT), qui lui ont permis d’accumuler jusqu’à 28 MT de stock à la fin de la campagne 2020/21 ! En comparaison, les 8 principaux exportateurs de la planète cumulaient de leur côté 60 MT de réserve.

Au cours de la campagne 2021/22, le pays a donc pris une place active à l’exportation en ayant chargé plus de 8 MT de blé. Un volume qui aura permis de limiter à court terme l’effet de la guerre en Ukraine.

 

2022, espoirs déçus ?

En mars, les perspectives de production pour 2022 étaient encore excellentes. De nombreux pays importateurs, à l’image de l’Egypte, comptaient sur l’Inde pour les aider à sécuriser leurs approvisionnements en blé, et le gouvernement indien affichait sa volonté d’apporter une solution à la crise alimentaire actuelle. Le marché escomptait ainsi « sortir » 8 à 10 MT de blé vers l’Asie, le proche et moyen Orient et l’Afrique du Nord. Un sourcing bienvenu pour compenser le recul attendu de l’Ukraine (- 9 MT).

Mais une vague de chaleur sans précédent a touché l’Inde en mars et avril, pendant la fin du cycle végétatif des blés. Initialement attendue à 111 MT par les autorités, la récolte fut revue à 106 MT en début de mois, mais, déjà, de nombreuses sources locales et internationales estimaient que la moisson ne dépasserait pas 100 MT.

Les producteurs profitaient quant à eux des prix attractifs proposés par les négociants et boudaient les prix d’achats gouvernementaux.

Ban or not ban ?

En conséquence, les autorités ont décidé le 14 mai d’instaurer un « ban » (arrêt) à l’exportation, prenant de cours les marchés. A la clé, de nouveaux records sur Euronext pour la récolte 2022 (Sept 443.25 et Déc 437.50).

Depuis, les contours et conséquences réels de ce « ban » se précisent progressivement :

  • Le gouvernement indien se réserve le droit de répondre à des demandes d’achat formulées par d’autres achats. Ainsi, l’Egypte annonçait avoir conclu un accord pour l’achat de 500 000 T de blé
  • Les contrats ayant fait l’objet d’une ouverture de lettre de crédit irrévocable avant le 13 mai seront honorés, soit environ 400 000 T
  • Les stocks de blé présents dans les ports, soit environ 1.8 MT de plus, pourraient finalement être chargés.
  • Avec 1.4 MT de blé déjà exportées depuis début avril, ce sont donc plus de 4 MT qui seraient promises au marché mondial
  • Les exportateurs traditionnels verraient donc un report de demande pour environ 4 à 5 MT

Alors, ban or not ban ? Il semble que l’objectif de l’Inde soit avant tout de reprendre la main sur la gestion des flux et des prix. En tentant d’assurer sa sécurité alimentaire et de limiter l’inflation locale. Et en même temps, en veillant à ne pas aller jusqu’à un arrêt total des chargements. Si la réaction du marché a été violente, il semble que les opérateurs ont aujourd’hui intégré qu’il s’agissait d’un « ban » soft. L’évolution des marchés à terme depuis plusieurs jours en témoigne.

Pour autant, le feuilleton n’est pas forcément encore terminé. La campagne 2022/2023 ne fait que commencer et d’autres décisions ou revirements restent possibles dans les prochaines semaines. A suivre !

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